Devenir un utilisateur averti du web se joue au début du collège
Je repartage ici un article écrit pour Geek Junior, un web mag pour les jeunes, avec lequel je démarre une collaboration de rédactrice.
Deux mesures concernant les jeunes et leur usage du portable et des réseaux sociaux ont suscité des débats sur leur pertinence : l’interdiction du portable au collège, et dans le projet de loi consacré à la protection des données la volonté de renforcer le contrôle sur l’inscription aux réseaux sociaux : âge minimum de 16 ans et autorisation nécessaire des parents.
Ces débats m’ont amené à m’interroger sur les usages numériques des adolescents. Plus précisément, je me suis dit que pour juger de la pertinence de ces mesures, j’avais besoin d’avoir des réponses à trois questions :
- Quel est le niveau d’équipement des jeunes en matériel numérique connecté à Internet ?
- Que sait-on vraiment de leurs usages des réseaux sociaux ?
- Ces jeunes sont-ils des utilisateurs « avertis » : ont-ils les bons réflexes de protection ?
Et je voulais aller plus loin que ce que je constate dans mon entourage. J’ai donc utilisé la période de congés pour me plonger dans les études qui existent sur ce sujet. Je vous livre donc aujourd’hui une synthèse sur ces trois questions.
Les 12-17 ans sont la tranche d’âge la plus équipée en écrans connectés à Internet, et tous sont internautes.
- 95 % des 12-17 ans possède un ordinateur à la maison et un accès à Internet (1). Ce qui les place en tête des tranches d’âge les plus équipées.
- 86 % des 12 -17 ans (1) ont un smartphone. C’est plus que la tranche d’âge de leurs parents : les 40-59 ans sont 77 % (1) à être équipés d’un smartphone. Et les collégiens (11-14 ans) sont déjà massivement équipés puisque 64 % possèdent un smartphone (2).
- Le seul écran connecté à Internet où les 12-17 ans ne sont pas en tête est la tablette, même s’ils sont tout de même plus d’un sur deux à en avoir à disposition.
Pour résumer, les 12-17 ans ressortent parmi les catégories les plus multi-équipées : 52 % des 12-17 ans disposent de plusieurs ordinateurs à domicile contre 33 % pour l’ensemble des Français (1).
86 % des 12 -17 ans (1) ont un smartphone. C’est plus que la tranche d’âge de leurs parents
Avec un tel niveau d’équipement, les 12-17 ans sont à 100 % internautes contre 88 % pour l’ensemble de la population, là encore dans le trio de tête des catégories les plus internautes (1).
Et avec un tel niveau d’équipement et d’internaute, une chose est sure : quelles que soient les interdictions mises en place au collège, cela ne supprimera pas un besoin d’apprentissage.
L’utilisation des réseaux sociaux est massive dès le début du collège et se généralise avant le lycée
- 46 % des élèves de 6e sont inscrits sur au moins un réseau social (2). En 6e les élèves ont en moyenne 11 ans ; et il faut généralement déclarer avoir au moins 13 ans pour s’inscrire sur un réseau social…
- Ce taux passe à 85 % en 3e, et au lycée plus de 90 % des jeunes sont sur un réseau social.
46 % des élèves de 6e, âgés en moyenne de 11 ans, sont inscrits sur au moins un réseau social ; alors qu’il faut théoriquement avoir 13 ans pour s’inscrire.
Ce chiffre montre qu’on ne peut pas attendre des résultats immédiats grâce à des éventuelles mesures d’interdiction, qui sans doute ne s’appliqueront qu’aux nouveaux inscrits et pas à ceux qui y sont déjà. Et quel que soit l’âge minimum qu’on fixe, il restera toujours à apprendre à utiliser les réseaux sociaux.
YouTube est le réseau social le plus utilisé par les jeunes et il serait dommage de les en priver
Au-delà du taux d’inscription, il est plus utile de comprendre ce que font les jeunes sur les réseaux sociaux. À commencer par ceux qu’ils utilisent.
4 réseaux sociaux se « partagent » à quasi part égale l’usage principal des jeunes de 11 à 18 ans. (3)
- YouTube est le premier de la liste. avec 28 % des jeunes, il est le premier réseau social utilisé. Ce qui n’est pas surprenant : au-delà de ses fonctionnalités d’interactions, YouTube c’est la télé des jeunes d’aujourd’hui. Et ce serait franchement dommage de les en priver..
- Vient ensuite Snapchat avec 24%. Il est particulièrement présent chez les plus jeunes qui apprécient le caractère éphémère des publications, et l’absence des parents/adultes.
- Puis Facebook avec 22 %. Cette bonne place masque une relative désaffection chez les plus jeunes qui préfèrent Snapchat ou Instagram. Et la question reste posée : s’agit-il d’une désaffection durable avec l’émergence de « facebook never » ou ces jeunes viendront-ils plus tard sur ce réseau ?
- Pour finir Instagram avec 19 %. Rappelons qu’Instagram appartient à Facebook qui a ainsi assuré ses arrières ou plutôt son avenir, dans le cas où l’hypothèse “Facebook never” se confirme.
Les jeunes ne sont pas des utilisateurs inconscients du web. Mais peut-on s’en contenter, surtout pour les collégiens ?
Derrière les mesures d’interdiction précédemment évoquées, il y a notamment la crainte que les jeunes ne sachent pas suffisamment se protéger dans leur utilisation des réseaux sociaux.
A la lecture des éléments sur les pratiques des jeunes pour protéger leurs données personnelles ou prendre des précautions, j’avoue hésiter entre le verre à moitié plein: et à moitié vide
Côté verre à moitié plein : sur des points essentiels et correspondants à leurs usages, les jeunes ont majoritairement les bons réflexes ; ou sont plus prudents que leurs parents
- Par exemple sur l’utilisation des réseaux sociaux : plus de 63 % des collégiens déclarent avoir paramétré leurs comptes pour protéger leurs infos personnelles et les contenus qu’ils publient (4) et près de 60 % des 12-17 ans ont déjà renoncé à publier ou à supprimer un message sur un réseau social (1)
- Ou encore sur la gestion des mots de passe : là où 61 % des Français utilisent toujours le même mot de passe (5) , les jeunes de 11 à 18 ans le font nettement moins (entre 41 % et 51 % selon les tranches d’âge et le sexe(4) ).
Côté verre à moitié vide : les collégiens sont nettement moins avertis que les lycéens et on aimerait d’une façon générale que les scores soient plus hauts pour une génération née avec le digital et massivement connectée
- Les collégiens sont nettement moins avertis que les lycéens : par exemple sur ce que peuvent faire les réseaux sociaux en terme de publicité ciblée : même pas un tiers est conscient que les réseaux sociaux adressent des publicités ciblées en fonction des contenus qu’ils publient ; là où les lycéens sont largement plus de la moitié à le savoir.
- On aimerait d’une façon générale que les scores soient plus hauts pour une génération née avec le digital et massivement connectée : si je reprends l’exemple des mots de passe ci-dessus, même si les jeunes font mieux que leurs parents, ce n’est pas complètement satisfaisant.
L’apprentissage d’une utilisation avertie du web est à démarrer au tout début du collège, et parents vous avez un rôle à y jouer
Pour conclure, ce que je retire de ces différents chiffres : le besoin d’apprentissage est réel et l’enjeu est d’en accélérer le processus qui se fait aujourd’hui sur la période du collège. À démarrer donc au tout début du collège.
La bonne nouvelle est qu’il existe plein de ressources de différentes natures pour cela, à commencer par celles de Geek junior : à consulter les conseils pratiques sur la sécurité.
J’ai aussi un faible pour le guide de la « Famille tout écran » du CLEMI.
Et nous parents avons un rôle à jouer dans cet apprentissage, même si certains peuvent se sentir dépassés. Il s’agit avant tout de faire appel au sens critique et à l’intelligence des jeunes plus que d’être geek. Sans compter que c’est l’occasion de faire également notre propre apprentissage, car je retiens aussi des différentes études que les parents des ados d’aujourd’hui sont souvent moins avertis que leurs enfants !
Les études utilisées pour cet article :
- (1) Baromètres du numérique 2017 publié en novembre 2017
- (2) Bornsocial 2017, publié en octobre 2017, elle reprend certains éléments quantitatifs de l’étude ci-dessous.
- (3) Les 11-18 ans et les réseaux sociaux 2017, publiée en janvier 2017.
- (4) Les 11-18 ans et la protection de leurs données personnelles 2017, publié à l’été 2017.
- (5) Les Français et la protection de leurs données personnelles, CSA, juin 2017